Vœux 2011 d’un vieil apache, Épisode 4 – Révolte – Complétée et augmentée

26 01 2011

Maintenant qu’on s’est bien indigné contre, pour résumer, les atteintes aux libertés et à l’environnement, le libéralisme économique, la défaillance des pouvoirs politiques, et les replis communautaires de toutes formes, QU’EST-CE QU’ON FAIT ?

  1. On se soumet ?

  2. On fuit ?

  3. On se révolte ?

Si vous avez répondu 2, ou pire, 1, alors je suis triste pour vous, mais je vous souhaite de ressentir

un jour l’envie de vivre debout.

Maintenant, examinons brièvement, en fonction de la situation politique de différents pays, les possibilités et risques de révolte qui s’offrent à ceux qui choisissent de ne pas plier l’échine.

Pour cela je vous propose une petite échelle inspirée de la DEFCON (Defense Condition) des militaires US, voici donc l’échelle REVCON. Et j’entends déjà les mauvaises langues parler de Rêves à la C…

  • REVCON 1 : Dictature totale et sanguinaire (Allemagne nazie, URSS stalinienne, Corée du Nord, 1984 de George Orwell…). Contrôle absolu par l’état de toutes les institutions, de l’économie, et des medias, délation encouragée et généralisée. Possibilités de révolte très limitées et très risquées. Aucun espoir, sauf un effondrement des institutions ou une guerre.

  • REVCON 2 : Dictature très dure (Chine, Pacte de Varsovie après Staline, Chili de Pinochet). Contrôle très fort de l’état sur toutes les institutions, et les médias. Le secteur économique peut être étatisé ou complètement privé, mais toujours en phase avec le gouvernement. Possibilités de révolte limitées et risquées. Possibilités limitées de communication libre, en contournant la censure, dissidence limitée possible mais dangereuse. Aucun espoir sans soutien extérieur, sauf un effondrement des institutions.

  • REVCON 3 : Dictature à façade démocratique (Russie, Égypte, Syrie, Iran, Tunisie de Ben Ali…). Les institutions imitent celle d’une démocratie, mais l’alternance politique n’est pas une option. Les pouvoirs sont à peine plus indépendants qu’en REVCON 2, et l’économie est aux mains de la clique gouvernante, souvent avec le soutien des institutions internationales. Seuls quelques espaces de liberté survivent, l’opposition est bridée dans le niveau de critique du pouvoir en place, et l’accès aux moyens de communication. Les opposants les plus virulents disparaissent ou sont victimes d’accidents… Les mouvements populaires sont violemment réprimés.. Peu d’espoir sans soutien extérieur, mais les gouvernements des ces pays-là sont parfois des colosses aux pieds d’argile.

  • REVCON 4 : Démocratie réelle (pays d’Europe occidentale, USA,… ). Tous prétendent être au niveau REVCON 5, mais la réalité est plus nuancée : tentative de prise en main du législatif et du judiciaire par l’exécutif, collusions entre pouvoirs économiques, médiatiques et politiques, limitation progressive et insidieuse des libertés au nom de la lutte contre le terrorisme. Malgré tout, les oppositions disposent encore de moyens (médias, partis, ONG) pour jouer les contre-pouvoir. L’alternance politique est possible, mais qu’une différence notable soit ressentie par les citoyens. Situation instable, appelée à évoluer en fonction du niveau de consentement des citoyens. Il est encore temps d’envisager des révoltes constructives et non violentes, ne pas laisser passer la chance !

  • REVCON 5 : Démocratie vraie (Aucun exemple ?). Séparation réelle des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, indépendance garantie de médias, liberté d’opinion et de culte. Aucune influence des pouvoirs économiques dans la sphère politique. Système de protection sociale et de Révolte inutile, mais vigilance obligatoire. On peut en rêver…

 

A noter que cette échelle ne prend en compte que les pouvoirs politiques, mais on pourrait aussi l’utiliser pour évaluer le climat à l’intérieur des entreprises ou des administrations. Ainsi, on pourrait raisonnablement situer la plupart des entreprises moyennes à grandes au niveau REVCON 3, même si la violence physique y est devenue très rare. En contrepartie, la violence psychologique y est très fréquente.

 

Maintenant, si vous lisez cet article, c’est que vous êtes francophone et avez accès à Internet, donc assez probablement habitant d’un pays occidental.

Donc, pourquoi et comment se révolter dans un pays occidental et, toutes proportions gardées, relativement démocratique ?

Répondre au pourquoi est finalement relativement aisé, et on se reportera au chapitre « indignation » des présents vœux.

 

Le comment peut être multiforme, mais comporte au moins une étape préalable, à savoir la révolte intérieure, celle qui consiste à réveiller sa conscience endormie par les médias officiels, et par l’idéologie individualiste et consumériste dominante :

  • Boycotter la télévision ou, pour un sevrage progressif, au moins les chaines commerciales et les prime times racoleurs des autres. Pour paraphraser un grand ponte de la petite lucarne abrutissante, vous y récupérerez du temps de cerveau disponible.

  • S’éduquer au scepticisme.
    Je conseille au passage la lecture de l’excellent « Petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon – ISBN : 2-895960-44-5 – dont la version initiale (bien moins complète que le livre) est librement téléchargeable ici.
    La pratique du scepticisme, loin d’être une incitation à la paranoïa et à la misanthropie, est au contraire un excellent moyen de décrypter les tentatives de manipulation dont nous sommes quotidiennement les objets plus ou moins consentants.

  • Lire pour s’informer, en multipliant les sources et les influences.

  • Assumer le fait de ne pas se sentir obligé de hurler avec les loups, autrement dit se sentir capable de défendre une position minoritaire, si elle vous semble logiquement défendable.

  • Remettre en question ses propres convictions : on hérite souvent des opinions de ses parents, ou, souvent au moment de l’adolescence, on va au contraire les rejeter dans un élan de révolte d’origine essentiellement hormonale. Et si on cherchait plutôt à penser avec les points de vue qui ne sont pas les nôtres, à s’entrainer à voir le monde avec d’autres yeux. Une seule approche pouvant servir à s’ouvrir aux autres en les comprenant, ou au contraire à anticiper les actions de ceux que l’on considère comme ses ennemis. Question de circonstances…

  • S’exercer à démonter le consensus mou et fataliste de la pensée unique. Un petit tour du côté de la pensée de Noam Chomsky, entre autres est dans ce cas des plus salutaires.

 

Et une fois que vous voilà redevenu un Esprit Libre, il est temps passer à la phase active de la révolte, tout en gardant à l’esprit que nous sommes toujours en REVCON 2 (ou 2+ …), ce qui implique le rejet de toute forme de violence ou d’action immorale. J’établirai à ce propos un distinction entre le légal et l’immoral. En effet, quand un état promulgue des lois scélérates, alors la morale peut être du côté de l’illégalité. A titre d’exemple, il me vient immédiatement à l’esprit celui des associations de soutien aux sans-papiers, des faucheurs d’OGM, des simples voyageurs prenant fait et cause pour un expulsé, et s’opposant à leurs risques et périls à la brutalité policière…

Mais ces limites laissent encore un champ d’action vaste et menacé, donc il est grand temps :

  • De s’engager, dans les partis politiques, associations, syndicats, ONG…
  • De voter, car même si l’image que donne les partis politiques est souvent consternante
  • De s’exprimer, par la parole, l’image, l’écrit, l’art…
  • De redécouvrir le goût du collectif, dans ce qu’il a d’ouvert, d’enrichissant et d’indispensable à l’humain, aussi loin de l’image des hordes fanatisées (de supporters, de militants FN, de supporters militants FN…) que de celle de l’homo economicus, pauvre créature individualiste et isolée dans sa quête impossible du bonheur par la consommation et l’endettement, imaginée par les penseurs néo-libéraux.
  • De rêver un avenir plus riant que celui qu’on nous concocte dans le secret des conseils d’administration et des ministères.
  • D’apprendre à devenir les héros de nos propres vies.

Si nous laissons passer l’occasion, si nous acceptons sans rechigner que les Droits de l’Homme soient bafoués au nom de la sécurité et de l’efficacité économique, alors la démocratie aura terminé sa mutation en oligarchie politico-économique, et la révolte sera bien plus compliquée :

  • Il faudrait ré-apprendre des anciens les méthodes de la Résistance.
  • Il faudrait maîtriser les possibilités et les vulnérabilités offertes par la technologie.
  • Il y aurait des martyrs.
  • Faut-il être romantique ou stupide, pour attendre ce niveau de gravité avant d’envisager de seulement commencer à se révolter ?

Alors pour 2011, je nous souhaite à tous une révolte pacifique, collective, créative, généreuse, pour envoyer la pensée unique et sécuritaire aux oubliettes de l’histoire !

Et si on osait REVER maintenant ?


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